« Dans un vieil album » spectacle bilingue sur 15 poèmes de Trakl traduits par Guillevic

« Dans un vieil album »

spectacle bilingue sur 15 poèmes de Georg Trakl traduits par Eugène Guillevic,
mis en scène par François Ferré,

samedi 24 août 2019 à 20h

à la Halle aux blés de Ferrette.
Entrée libre.

François Ferré a derrière lui une longue pratique de la mise en scène. Installé depuis trois ans à Ferrette, il a accepté la proposition de l’association Trésors de Ferrette de créer un spectacle autour de l’œuvre d’Eugène Guillevic. Il a choisi de mettre en scène les traductions par Guillevic de poèmes de Georg Trakl. Il nous livre ci-dessous une introduction à ce spectacle.

 

TENTATIVE DE FRIC FRAC A FERRETTE

Sonne aus finsterer Schlucht bricht
Du soleil perce d’un ravin obscur

 

« L’œuvre de Georg TRAKL (1887-1914) est infractable. Quoiqu’on fasse, c’est un tout en soi, un peu comme l’œuvre de Bach, on peut le retourner dans tous les sens, il est toujours là, inaltérable diamant.

Guillevic va s’y casser les dents pendant 50 ans, y amenant pour le traduire toute sa tendresse respectueuse de poète français.

Pour le metteur en scène français, Claude Régy (celui qui a toujours eu le chic de trouver les grands textes du XXe siècle avant les autres) qui fait un spectacle sur Trakl en 2016 : « L’œuvre se ressent comme un déchirement de nerf ».

Pour Heidegger, ce serait comme un seul poème toujours recommencé.

Artaud reprendra le flambeau quelques années plus tard.

 

Nous ne ferons pas un récital des 15 poèmes traduits (dans un ordre chronologique) par Guillevic. Ce sera une tentative de mise en espace de l’univers des poèmes de Trakl par 7 acteurs et actrices bilingues, tous en scène tout le temps (+ la collaboration ponctuelle de 2 musiciens).

Guillevic dans son avant-propos (Edition Les cahiers Obsidiane, 1981) nous a fourni l’idée du décor : « Les poèmes de Trakl me donnent l’impression, la sensation de paroles dites dans une forêt où il y aurait un écho fragmenté par les arbres ».

Souvent les éditions de Trakl sont bilingues, comme si on n’osait pas tromper l’insaisissable poète autrichien. C’est insécable.

C’est peut-être lui qui fait le fric frac, le gentleman cambrioleur. Ici, ça n’a rien à voir avec le romantisme à la française (Le Lac de Lamartine) qui projette sur le paysage extérieur ses états d’âme. Ce dont il s’agit ici, c’est du paysage de l’intérieur, de l’âme. On n’en sort pas. Autisme ? va-t’en savoir. Ici on ne se raconte pas d’histoire. On utilise des images, des couleurs simples, convenues, des « chromos » hérités des préromantiques allemands et on les recharge, les redynamise à fond, à les faire exploser. Entrechoquements de mots, d’images, dérèglement de syntaxe, explosion de sens. Les objets prennent vie, les vivants se statufient. Le tout en termes d’intensités uniquement. Mais qui résonnent étrangement profondément en nous.

Pour signaler le parcours : le dernier poème s’appelle Grodek. C’est le champ de bataille au début de la guerre de 1914 où les Autrichiens sont défaits par les Russes. Trakl est infirmier et doit garder une chambrée d’agonisants. Il n’en survivra pas.

L’avant-dernier poème s’intitule Le soleil : la vie, toutes les heures du jour se succèdent et en dernier vers, au cœur de la nuit : « du soleil perce d’un ravin obscur ». Est-ce le cri des mystiques qui rachète l’humanité, comme par exemple celui de ce grand maître zen du Moyen-Age, Muso : « Sylla ! Le soleil à minuit ! » ? On peut se laisser aller à le penser mais nous ne le saurons jamais vraiment. Trakl est infractable, intraitable, irréductible.

 

A une époque de mentalisation à tout va et d’asservissement généralisé, nous réintroduirons les corps, c’est le théâtre, le vrai lieu d’où l’on peut regarder vraiment.

Essayer en toute humilité de restituer un peu de la présence de Trakl.

Je rencontre souvent ces derniers temps chez des intellectuels éclairés, comme s’ils voulaient conjurer le sort funeste qui menace l’humanité, cette phrase de Nietzsche que je fais mienne, coup de projecteur sur Trakl : « Il faut encore porter du chaos en soi pour pouvoir donner naissance à une étoile filante. Malheur, voici venu le temps où l’homme ne donnera plus naissance à nulle étoile ».
François Ferré, août 2019

 

 

Quelques repères

Parmi les nombreux spectacles mis en scène par François Ferré, citons :
– « Woyzeck » de Büchner en 1967 au Théâtre Universitaire de Mulhouse,

– « La Lune dans L’Eau », en 1976, théâtre pour enfants

– « Claire ou Solange car je vous confonds », en 1980, création collective

– « Penthésilée » de Kleist en 1992, CDN Saint-Etienne

– « Notre besoin de consolation est impossible à rassasier » de Dagerman en 1994 à  Montpellier

– « Chutes » de Motton en 1995 au Théâtre du temps Venu, Lyon.